"La tentative du gouvernement de contrecarrer le référendum contre la privatisation de l'eau, en le qualifiant d'illégal, est un défi et montre le profond mépris du gouvernement pour les institutions démocratiques"
Les habitants de Salonique auront l'occasion de participer à une expérience unique dans une démocratie, ce dimanche, puisqu'ils sont invités à voter pour un référendum non officiel sur la privatisation de l'eau de la ville en déposant leurs bulletins de vote devant les bureaux de vote lors des élections municipales. Ce référendum a été approuvé à l'unanimité par toutes les municipalités qui composent la région de la deuxième ville du pays.
Mais le gouvernement en a décidé autrement : dans une
circulaire adressée au procureur de Salonique, le ministre de
l'intérieur demande au procureur de faire
arrêter quiconque utilisera les registres officiels pour le
référendum concernant la privatisation.
Une affiche pour le référendum officieux invitant la
population à dire non à la privatisation de l'eau de la région de Salonique
|
Les acteurs de la privatisation
Dans le cadre des mémorandums imposés la troïka,
le gouvernement avait annoncé en 2011 son intention de privatiser EYATH,
l'entreprise gérée par l'Etat qui fournit 1,5 million d'habitants de la
ville en eau et assainissement. Le processus de
privatisation est en cours et deux multinationales sont toujours en course
pour la deuxième phase de l'appel d'offres, le géant et numéro deux du secteur Suez
Environnement et l'israélien Mekorot, que certains groupes environnementaux
internationaux disent impliqué dans "des
politiques et des pratiques discriminatoires concernant l'eau en Palestine".
Leurs partenaires grecs sont Aktor, la plus grande entreprise
de construction du pays, qui est étroitement associée à Yiorgos Bobolas, qui
possède également d'énormes intérêts dans la presse écrite et les médias
télévisuels, et le Groupe Apostolopoulos, qui est actif dans le secteur privé
de la santé.
Un référendum pour mettre la pression sur les entreprises
Le référendum n'est pas officiel puisque la loi ne
permet pas à la population d'être consultée sur la politique du gouvernement
par voie de référendum à moins qu'il ne soit ratifié par décret présidentiel ou
par une majorité renforcée des députés.
Mais les organisateurs du référendum espèrent que le
résultat enverra un message clair que les habitants de Salonique veulent
que l'eau reste publique. Ils citent l'exemple de 86 villes à travers le
monde qui ont renversé avec succès la privatisation et (re)municipalisé
l'approvisionnement en eau.
La décision de privatiser l'approvisionnement en eau de la
ville a mobilisé une large coalition de groupes, y compris les divers partis
politiques, les syndicats et l'église orthodoxe, en opposition au
projet. La mobilisation est également soutenue par les municipalités
qui composent la ville .
Les sondages d'opinion montrent que plus de 70% des citoyens
sont contre la privatisation. Ils estiment que les services publics comme
l'approvisionnement en eau potable doivent être délivrés par une entreprise
publique pour être la meilleure garantie en terme de qualité, de
sûreté des services et de prix, tout en restant sous contrôle démocratique.
Le référendum est organisé avec la collaboration de
l'association du barreau de la ville et la surveillance des élections sera
effectuée par une équipe internationale d'observateurs venue d'Autriche, de
Bulgarie, de France, d'Allemagne, d'Italie, des Pays-Bas et de Suède.
L'un des groupes qui envoient les observateurs est la
Fédération Européenne des Syndicats des Services Publics, qui espère que le
résultat du référendum forcera les entreprises privées à réfléchir à deux fois
avant de venir à Salonique.
"Nous voulons que
Suez Environnement respecte les résultats du référendum. Une décision
différente entacherait son image, montrant que ses politiques vitrine de
responsabilité sociale et ses déclarations concernant le respect des
communautés locales sont vides. Cela pourrait donner lieu à des années de
troubles locaux" a déclaré Jan Willem Goudriaan de la FSESP.
"Si le référendum
est positif, le gouvernement grec devra arrêter le processus de privatisation".
Un vote pour l'eau
Comme le référendum n'est pas officiel, des urnes seront
mises en place à l'extérieur des bureaux de vote afin que les citoyens qui
votent pour les élections régionales et municipales de ce dimanche
y participent.
Les électeurs recevront trois bulletins de vote, l'un
indiquant "oui", l'autre "non" et une carte vierge.
Seules les personnes inscrites sur les listes électorales
municipales seront autorisées au vote, comme lors des élections
régulières, et seront tenues de prouver leur identité.
À la clôture du scrutin à 19 heures, toutes les urnes seront
relevées et envoyées à l'hôtel de ville de Salonique, où aura lieu le
dépouillement et où les résultats annoncés.
Le gouvernement panique et menace
La circulaire demandant l'arrestation de toute personne
utilisant les listes officielle pour une élection illégale. (source altherless)
La circulaire demandant l'arrestation de toute personne
utilisant les listes officielle pour une élection illégale. (source altherless)
Dans une circulaire (voir ci-dessus) adressée au procureur
de Salonique, le Procureur du Tribunal de première instance de Salonique
demande à la Direction générale de la police de Salonique de veiller à ce que
la police procède à l’arrestation de ceux qui mettront des urnes ou
exploiteront les listes d’électeurs au titre du référendum à propos de la
privatisation de l’EYATH. Il explique, dans son ordonnance, que "conformément au décret présidentiel 26/2012, il
s’agit d’un délit poursuivi d’office et si les agents ne sons pas en nombre
suffisant, il conviendra de former un dossier directement qui sera transmis au
Parquet".
Plus précisément, le document rappelle que la
législation indique que "l'octroi
ou l'utilisation des listes électorales est interdit..." et
que la loi prévoit que "... les
délinquants seront punis d'un emprisonnement de trois mois à trois ans".
Lors d'une conférence de presse extraordinaire du bureau de
l'association régionale des municipalités de Macédoine centrale et des
représentants de l'organisme de coordination "SOSτε το νερό" (Sauver
l'eau), l'annonce de la poursuite du référendum a malgré tout été confirmée.
Le maire de Salonique est bien décidé à défier le
gouvernement et à poursuivre le référendum, qui, bien que non officiel, a
été approuvé par l'ensemble des municipalités qui composent la région de
Salonique.
Document du Ministre de l'Intérieur (source altherless) |
Dans un document(ci-dessus) du ministère de
l'intérieur adressé au ministère de la justice et en copie le
ministre de l'ordre public Nikos Dendias, le ministre de l'intérieur
indique avoir eu vent que "certains individus" avaient décidé
d'organiser un référendum concernant la privatisation de l'eau à Salonique.
Le Maire de Salonique, Yannis Boutaris, a déclaré que la
lettre est "honteuse et
particulièrement offensante. Les municipalités", a-t-il
expliqué, "ne sont pas ‘certains
individus’. Il aurait pu faire un geste de bonne volonté et mettre les urnes
dans les bulletins de vote. Au contraire, il rend les choses plus difficiles.
Pourquoi ? Craindrait-il d’écouter l’avis des gens à propos de
l’EYATH ? », se demande-t-il.
"La tentative du
gouvernement de contrecarrer le référendum contre la privatisation, en le
qualifiant d'illégal, est un défi et montre le profond mépris du gouvernement
pour les institutions démocratiques" a déclaré un candidat aux
élections municipales Manolis Lamtzidis, commentant la circulaire envoyée aux
municipalités par le ministre de l'Intérieur C. Michelakis.
Il a ajouté que "la conduite du référendum est une question non négociable pour nous".
Mise à jour : malgré les menaces du gouvernement, le référendum
aura bien lieu mais les listes utilisées seront celles des résidents et
pas les registres électoraux.
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