Le ministère de l’Ecologie
vient de procéder, dans les plus grandes précipitation et opacité, au
renouvellement des représentants de l’Etat, des collectivités locales et des
usagers, socio-professionnels et domestiques, qui siègent au sein des Comités
de bassin des Agences de l’eau. Alors que Delphine Batho s’était engagée en
2012 à créer un 4ème collège d’usagers domestiques au sein des Comités de
bassin, le lobby de l’eau a enterré, après son éviction, toute perspective
d’élargissement des instances de gestion de l’eau à la société civile, en
multipliant des démarches fortement entâchées d’illégalité, dont la plus
emblématique a déjà été déférée devant le Tribunal administratif de Paris.
Au début de l’année 2012,
avant même que n’éclate le scandale de l’Onema (http://www.eauxglacees.com/recherche.php3?recherche=onema&submit=Go) Delphine Batho,
reconnaissant le bien fondé d’une très ancienne revendication des associations
de défense de l’environnement et des consommateurs, s’engage à créer un
quatrième collège d’usagers domestiques au sein des Comités de bassin, dans le
cadre de la réforme de la politique de l’eau engagée par le gouvernement de
Jean-Marc Ayrault le 18 décembre 2012.
L’équation est connue de
longue date. Les 66 millions d’usagers domestiques français du service public
de l’eau potable et de l’assainissement paient près de 90% des 2 milliards et demi
d’euros annuels de « redevances » perçues par les
Agences de l’eau sur leurs factures.
Une manne que les Agences de
l’eau redistribuent ensuite, dans une totale opacité, aux collectivités
locales, industriels, agriculteurs, énergéticiens…, dont les Agences financent
les investissements dans le domaine de l’eau et de l’assainissement.
Or la « gouvernance » des
Agences de l’eau, et surtout des Comités de bassin, présentés comme des
« néo-parlement locaux de l’eau » est un scandale démocratique
majeur.
Trois collèges sont présents
au sein des Comités de bassin :
- Collège Etat : 20% de
délégués :
- Collège collectivités : 40% de
délégués ;
- Collège « usagers » :
40% de délégués.
Mais les usagers domestiques,
qui acquittent près de 90% des 2 milliards et demi d’euros de redevances, ne
sont en fait représentés qu’à hauteur de moins de 10% des délégués d’un Comité
de bassin.
En effet, faussement
dénommé « Collège usagers », celui-ci est dominé par des
socio-professionnels qui y siègent pour y défendre leurs intérêts (Industrie,
agriculture, énergie, multinationales de l’eau…), au détriment de ceux des
usagers domestiques.
Aussi l’engagement de
Delphine Batho de créer un quatrième collège d’usagers domestiques au sein des
Comités de bassin va-t-il agir comme un chiffon rouge agité sous le museau des
représentants du lobby de l’eau…
L’affaire va être enterrée
par son successeur, Philippe Martin. Il avalisera les manigances du lobby, qui
va instrumentaliser les conclusions, sans aucune valeur juridique, de la 2ème
Conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013, pour mettre un terme
définitif à tout rééquilibrage des Comités de bassin en faveur des usagers
domestiques.
L’affaire sera formalisée
dans une séance invraisemblable du Comité national de l’eau, qui adopte le 18
décembre 2013 une « Délibération » reprenant,
in extenso, les suggestions d’un « Rapport » établi
par un groupe de travail fantoche du CNE sans aucune existence légale.
Ce rapport a été rédigé par
quatre hauts fonctionnaires de la Direction de l’eau et de la biodiversité du
ministère de l’Ecologie, qui ont servilement recopié ce que leur dictaient les
représentants du lobby de l’eau qui font la pluie et le beau temps au Comité
national de l’eau.
Philippe Martin, ministre intérimaire de l’Ecologie adressa la veille de son remplacement par Ségolène Royal, le 2 avril 2014, aux préfets coordonnateurs de bassin, aux agences de l’eau et aux Dreal de bassin une note relative au renouvellement des membres des comités de bassin, non parue au JO, et qui n’a été publiée au Bulletin officiel du MEDDE que le 10 mai 2014…
La nouvelle composition des
Comités de bassin
Nouvelles
désignations 2014
Total délégués 6
Agences : 855
Total associations
consommateurs et environnement : 73
Loire Bretagne
Total délégués : 190
Total associations
consommateurs et environnement : 16
Seine
Normandie
Total délégués : 185
Total associations
consommateurs et environnement : 15
Rhône Méditerranée
Corse
Total délégués : 165
Total associations
consommateurs et environnement : 14
Adour Garonne
Total délégués : 135
Total associations
consommateurs et environnement : 12
Rhin Meuse
Total délégués : 100
Total associations
consommateurs et environnement : 9
Artois Picardie
Total délégués : 80
Total associations
consommateurs et environnement : 7
Philippe Martin, ministre intérimaire de l’Ecologie adressa la veille de son remplacement par Ségolène Royal, le 2 avril 2014, aux préfets coordonnateurs de bassin, aux agences de l’eau et aux Dreal de bassin une note relative au renouvellement des membres des comités de bassin, non parue au JO, et qui n’a été publiée au Bulletin officiel du MEDDE que le 10 mai 2014…
"Je vous rappelle le
rôle actif qui vous échoit dans le processus de désignation des membres des
collèges des collectivités territoriales et des usagers", indiquait le directeur de l’eau et de la
biodiversité, Laurent Roy, précisant que le texte applicable est l’arrêté du 15
mai 2007, récemment modifié pour « renforcer la représentation des
usagers domestiques »; un vœux pieux, ou plutôt un effet d'annonce parfaitement mensonger...
Dans le bassin Adour Garonne par exemple, les associations de défense des consommateurs ont gagné DEUX représentants, tandis que l’industrie en perd, apparemment seulement, trois. L’agriculture perd pour sa part un représentant, mais l’agriculture biologique doit désormais être représentée par au moins UN représentant. Les associations de protection de la nature ont également gagné UN représentant. Dérisoire.
Dans le bassin Adour Garonne par exemple, les associations de défense des consommateurs ont gagné DEUX représentants, tandis que l’industrie en perd, apparemment seulement, trois. L’agriculture perd pour sa part un représentant, mais l’agriculture biologique doit désormais être représentée par au moins UN représentant. Les associations de protection de la nature ont également gagné UN représentant. Dérisoire.
La note précisait les
modalités de désignation des représentants des collectivités territoriales, des
usagers et des personnes qualifiées qui, selon l’article L. 213-8 du code de
l’environnement, représentent 80% des membres du comité de bassin, les 20%
restants étant attribués aux représentants de l’Etat. Le nombre de
représentants à désigner par bassin pour une durée de six ans est précisé en
annexe de la note, ainsi que le mode de désignation des représentants des
usagers.
Les noms des représentants
des collectivités territoriales et des usagers devaient être adressés au
directeur de l’eau avant le 1er mai dernier, tout comme les propositions de
personnes qualifiées.
Dans les faits, le processus s’est transformé en cauchemar, les associations de consommateurs et de défense de l’environnement ayant du batailler avec les préfets, tant le distinguo entre associations « agréées » et « habilitées », et entre associations nationales, régionales et départementales, a généré de couacs.
Au final l’affaire a donc été
conduite « à l’ukrainienne », ce qui est une constante du
lobby de l’eau.
Par ailleurs, la note de
Laurent Roy précisait que :
« (…) L’article D.
213-20 du code de l’environnement déterminant la durée du mandat des membres ne
représentant pas l’État à six ans, il convient donc de procéder à leur
renouvellement dans les conditions prévues aux articles D. 213-17 et D. 213-19
du code de l’environnement et à l’arrêté du 15 mai 2007 modifié relatif à la
représentation des collectivités territoriales et des usagers aux comités de
bassin.
Cet arrêté fixe le nombre
de représentants de chaque collège, collectivités, usagers et représentants de
l’État.
L’arrêté d’origine a été
successivement modifié par l’arrêté du 23 avril 2013, puis, suite à la
conférence environnementale de septembre 2013, pour prendre en
compte les conclusions du comité national du 18 décembre 2013. »
Or ces « conclusions »,
sans aucun fondement juridique, du Comité national de l’eau du 18 décembre
2013, en l’espèce une « Délibération » illégale, (elle
n’était pas inscrite à l’ordre du jour, et n’a été votée que par 34 membres du
CNE, qui en compte 156 !), font l’objet d’un recours intenté
devant le Tribunal administratif de Paris par Jean-Luc Touly, membre du CNE.
Ce recours dénonce à juste
titre l’absence de fondement légal des décisions prises par Laurent Roy et
Philippe Martin, couvrant les manigances du lobby de l’eau, qui a élaboré, en
créant un groupe de travail fantoche au sein du CNE un « Rapport »,
sans aucune valeur juridique, qui a servi de fondement aux directives adressées
par le ministère aux préfets coordonnateurs de bassin, comme l’atteste la « Note » du
Directeur de l’eau, en date du 2 avril 2014, non publiée au JO, et qui ne sera
rendue publique par le Bulletin officiel du MEDDE, le 10 mai 2014, une fois
l’affaire enterrée,« à l’ukrainienne », toujours…
A ce stade, on n’aura garde
d’oublier les éléments suivants.
Aucune contrainte n’obligeait
à renouveler les actuels Comités de bassin avant 2015, ce que ne pourront que
reconnaître tous les protagonistes de l’affaire.
Dès lors pourquoi cette
précipitation ?
Avec 70% du bloc communal qui
est repassé à droite aux récentes municipales, l’opération s’avère géniale pour
le gouvernement et la gauche, qui redeviennent minoritaires dans tous les
Comités de bassin !
Un triomphe pour le Monsieur Eau autoproclamé du PS,
Daniel Marcovitch qui, après avoir nié le scandale de l’Onema, dont il était
Vice-président, puis fomenté le cauchemar de la GEMAPI, entend
bien continuer à sévir, quoique nous ayant juré, les yeux dans les
yeux et la main sur le cœur, notamment dans le colloque mis sur pied par nos
amis de Suez, en pleine bourrasque GEMAPI, qu’il renoncerait à tous ses mandats
en mars 2014...
Enfin, si le président de la
République maintient son intention de différer la date des régionales et
cantonales, la légitimité des Comités de bassin sera totalement nulle.
Renouvelés avant terme sans
raison valable, avec de futurs exécutifs régionaux et départementaux dans les
limbes.
Il va falloir renommer Douma les
comités de bassin et le CNE.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire