mercredi 29 août 2018

Assises de l'eau: les agences de l'eau pressurées par l'Etat - Eau Secours à "Rentrée en Fête", la fête des associations d'Orléans




La première séquence des Assises de l’eau a été conclue, ce 29 août, par le Premier ministre Edouard Philippe. Les agences de l’eau, dont le budget est en baisse, sont largement sollicitées pour financer la modernisation des réseaux.






Rentrée en fête


La fête des associations d'Orléans, Rentrée en Fête, aura lieu le dimanche 9 septembre.
Eau Secours y tiendra de 11h à 19h un stand, le C24, qui est situé place du Martroi (cf. plan ci-dessous) 

Vous y serez les bienvenu-e-s.








vendredi 24 août 2018

En Bourgogne, le micmac aquatique d’Etais-la- Sauvin



LE MONDE | 20.08.2018
Par Henri Seckel 



En Bourgogne, le micmac aquatique d’Etais-la- Sauvin

Depuis près de deux ans, les habitants de la commune vivent sans eau courante. En cause : une présence trop importante de pesticides dans la nappe phréatique.

On peut manifestement vivre sans eau courante, les 840 habitants d’Etais-la Sauvin y parviennent depuis bientôt deux ans. Il y a bien de l’eau aux robinets de ce village de l’Yonne situé à 40kilomètres au sud d’Auxerre, mais on n’a pas le droit de la consommer, ordre de la préfecture, qui a donc contraint la mairie à fournir de l’eau en bouteille en quantités industrielles. Evidemment, cela complique un peu l’existence.

Au seul restaurant du bourg, le patron dilue son pastis dans de la Cristaline, fabrique ses glaçons avec de la Cristaline, fait bouillir sa potée auvergnate, spécialité de la maison, à la Cristaline. A la boulangerie, éclairs et mille-feuilles sont préparés à la Cristaline. Dans les foyers, on lave la salade à la Cristaline, la tétine du bébé aussi, et les enfants prennent des douches plutôt que des bains, pour éviter d’ingurgiter trop d’eau courante.

Impossible, pourtant, de faire respecter l’interdit préfectoral à 100 %. A l’Ehpad, les 70 résidents avalent une soupe à la Cristaline, mais ceux atteints d’Alzheimer oublient qu’on leur a dit de ne pas boire l’eau du robinet. Dans les jardins, on ne peut pas remplir les piscines gonflables de Cristaline, alors, quand les bambins boivent la tasse, c’est de l’eau courante. Quand on est lassé de se laver les dents à la Cristaline, on les rince normalement, même si c’est défendu.

De toute façon, une bonne partie des citoyens d’Etais passent outre la consigne de la préfecture, à commencer par le premier d’entre eux : « Moi, j’ai toujours bu l’eau du robinet », dit fièrement M. Le Maire, Claude Macchia, qui n’a pas l’air particulièrement mal en point du haut de ses 71 ans. Et qui, aujourd’hui, ne prend pas de risque, car l’eau courante, interdite à la consommation, est en fait… potable. Voilà où l’on en est de cet absurde micmac aquatique au cœur de la Bourgogne, à mi-chemin entre querelles de clochers dérisoires et enjeux sanitaires, commerciaux et sociétaux majeurs.


Enjeu hautement symbolique

Point de départ de cet imbroglio d’une complexité formidable : le 16 octobre 2016. Une analyse de la nappe phréatique d’Etais-la-Sauvin, menée par l’Autorité régionale de santé (ARS) de l’Yonne, y révèle la présence trop importante de plusieurs pesticides, notamment le métazachlore, utilisé pour la culture du colza. Principe de précaution : la préfecture interdit dès lors la consommation de l’eau – uniquement pour les femmes enceintes et les nourrissons par périodes, pour toute la population la plupart du temps.

Que faire ? Construire une unité de traitement pour assainir l’eau de la nappe phréatique ? La municipalité n’en a pas les moyens. Se raccorder à la Fédération des eaux Puisaye-Forterre, réseau local mieux équipé qui alimente déjà 27 communes alentour ? Hors de question pour le maire de renoncer à sa ressource, garantie d’une eau à un prix imbattable, et enjeu hautement symbolique : « Notre réseau date du début des années 1960. Avant, on devait tirer l’eau du puits, et on se lavait dans un grand bac, à l’éponge. La première douche que j’ai prise, j’avais 14 ans, j’en aurais pleuré ! Mon pépé et mon frère ont fait les tranchées à la pioche pour mettre l’eau ici, et aujourd’hui, tout est balayé d’un coup de crayon. Ça fait mal. Nous avons toujours eu de l’eau saine, et maintenant nous sommes pollués par les pesticides. »

Ces pesticides, assure Claude Macchia, proviennent « à 98 % » de chez un certain François Durand : « C’est un agriculteur qui habite sur la commune voisine, dans le département de la Nièvre [une route tient lieu de frontière avec l’Yonne]. Il traite ses champs, en toute légalité certes, mais ses eaux arrivent dans notre captage. C’est aussi simple que ça. »

Il suffirait donc de le convaincre de passer au bio, ou d’envoyer l’eau de ses champs ailleurs ? « Mais ça ne vient pas de chez moi, répond calmement François Durand. Le maire se trompe de cible, j’en ai assez de cette instruction à charge. » L’agriculteur estime qu’il paie la « jalousie » que suscite son vaste domaine, et le fait qu’il ne soit pas Etaisien : « C’est plus simple d’incriminer quelqu’un d’ailleurs. » Il a « la preuve absolue » que ce n’est pas lui : « Une étude a été confiée en 2017 à la chambre d’agriculture de l’Yonne pour déterminer l’origine des pesticides. Pourquoi les résultats n’ont-ils jamais été publiés ? »

Ils le seront le 18 septembre, assure-t-on à la chambre d’agriculture où, en attendant, on estime que « M. Durand ne peut être tenu pour unique responsable. L’ensemble des parcelles situées sur le bassin d’alimentation du captage est concerné par un risque de transfert, vers l’eau du captage, des molécules utilisées par les agriculteurs. » Traduction : dans la nappe phréatique d’Etais-la-Sauvin arrive aussi l’eau des champs de plusieurs agriculteurs d’Etais-la-Sauvin qui utilisent du métazachlore. Or, six agriculteurs siègent au conseil municipal du village. Ainsi, et l’ubuesque confinerait là au scandaleux, il n’est pas impossible que des élus d’Etais-la-Sauvin « polluent » l’eau d’Etais-la-Sauvin…


« Sujet qui fâche »

« On évite d’en parler au conseil municipal, c’est un peu le sujet qui fâche, admet Nicolas Gauthier, l’un des six agriculteurs élus – pas sur la liste du maire, en ce qui le concerne. La première fois qu’on a entendu parler de ça, je me suis dit que nous, les agriculteurs, allions sûrement avoir des problèmes, qu’il y aurait des parcelles qu’on n’aurait plus le droit de cultiver, etc. Mais non. On nous a dit : c’est en vente libre, c’est légal, vous pouvez continuer à travailler. »

« Vu les doses détectées par les analyses, ça ne peut pas être que Durand. On pollue notre eau nous-mêmes ! », s’étrangle Rémy Moulin. Cet agriculteur bio, qui ne siège pas au conseil municipal, a un jour suggéré que tout le monde abandonne les pesticides, afin de retrouver une eau saine :
« Je n’ai reçu que des sourires moqueurs, et un agriculteur qui est un élu m’a dit : “T’as qu’à faire comme nous, bois du rouge.” »

Bannir les pesticides : seul l’Etat pourrait prendre cette décision compliquée, contraire aux intérêts économiques des agriculteurs – rendement moindre – et, à plus grande échelle, de la France – exportations moindres –, sans même parler de ceux de l’industrie phytosanitaire. « D’accord, mais enfin, il faut savoir quelle société on veut, soupire Philippe, Etaisien depuis une vingtaine d’années. Une autre agriculture doit être possible. C’est important l’eau, quand même, non ? »

Ça l’est tellement que Claude Macchia a tout de même fini, à contrecœur et contraint par la préfecture, par accepter d’être raccordé au réseau de la Fédération des eaux Puisaye-Forterre, le temps de trouver une solution pour débarrasser son captage des pesticides. Depuis début juillet, une eau certifiée conforme par l’ARS arrive donc au robinet des habitants. Qui n’ont pourtant toujours pas le droit de la boire.

Le problème se niche cette fois dans les tuyaux vétustes du réseau d’Etais-la-Sauvin. Plus de la moitié de l’eau (propre) qui y circule se perd dans la nature en raison de fuites, à cause desquelles « la fédération n’est pas en capacité d’alimenter Etais à 100 % », assure la préfecture, car, « si la fédération alimentait Etais en totalité, ce sont les communes en bout de réseau qui n’auraient plus de pression à leur robinet ». Dans ces conditions, la préfecture redoute que le maire ne rouvre les vannes de son eau au métazachlore, et maintient donc son interdiction.

De son côté, la Fédération des eaux Puisaye-Forterre dément : « On peut sans problème alimenter Etais à 100 %. C’est un argument que met en avant la préfecture pour faire pression sur la commune d’Etais. » A savoir l’obliger à refaire sans traîner ses 40 kilomètres de tuyauterie souterraine, voire à renoncer à sa souveraineté sur la gestion de l’eau – qu’il faudra de toute façon abandonner en 2026. Claude Macchia promet que les travaux seront bouclés avant 2019. Cela mettrait fin à une situation qui, pour saugrenue qu’elle soit, n’est pas unique : selon l’ARS, « une quinzaine de communes sont concernées par des interdictions d’eau », rien que dans l’Yonne. Où l’on n’a pas fini de boire de la Cristaline.