Ce
titre représente bien les objectifs d’une Initiative Citoyenne Européenne (ICE),
pétition qui a été la première à remplir tous les critères imposés par le
traité de Lisbonne1 . Cet
article en rappelle l’histoire, histoire qui continue de s’écrire en cet
automne 2015.
La pétition elle-même est
rappelée ci-dessous
Objet:
Nous invitons la Commission européenne à proposer une législation qui fasse
du droit à l'eau et à l'assainissement un droit humain au sens que lui donnent
les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d'eau et l'assainissement en
tant que services publics essentiels pour tous.
Principaux objectifs:
Le droit européen devrait exiger des
gouvernements qu'ils garantissent et fournissent à tous les citoyens
l’assainissement et de l’eau saine et potable en suffisance. Nous demandons
instamment que :
1. Les institutions européennes et les États membres soient tenus de faire
en sorte que tous les habitants jouissent du droit à l'eau et à
l'assainissement.
2. L'approvisionnement en eau et la gestion des ressources hydriques ne soient
pas soumis aux "règles du marché intérieur" et que les services des
eaux soient exclus de la libéralisation.
3. L'Union européenne intensifie ses efforts
pour réaliser l'accès universel à l'eau et à l'assainissement.
Avec 1.9 millions de
signatures, l’ICE « L’eau un droit humain » (ou Right2Water) fut la première pétition à contraindre la
Commission Européenne (CE) à donner une réponse, même décevante, aux attentes des signataires. Le Parlement Européen, en votant
le 8 septembre 2015 une résolution beaucoup plus conforme aux exigences
citoyennes, donne un nouvel élan à une
bataille qui se poursuit pour un service public de l’eau aux mains des citoyens
et non des marchés.
Voici un petit résumé de cette
longue histoire de l’ICE « eau droit humain » dont on peut suivre les détails sur le site
web http://www.right2water.eu
Les
origines
Mars 2012 : David Boys
(Fédération Internationale des Services Publics) dénonce « le mythe de la
contribution des opérateurs privés dans l’accès à l’eau » au Forum Mondial
de l’eau à Marseille. Il annonce le lancement d’une pétition visant à obliger
la Commission Européenne à prendre position sur les principes. 2
La
campagne de signatures 2012-2013
La Fédération Syndicale Européenne des
Services Publics (FSESP), qui regroupe 275 organisations syndicales dans tous
les services publics européens, lance
cette ICE avec l’objectif de dépasser en
un an, du 23 septembre 2012 au 23 septembre 2013, le
million de signatures requis par le traité de Lisbonne pour que ce vote
citoyen soit contraignant pour la CE. De nombreuses organisations (syndicats,
partis, associations) soutiennent cette
ICE qui connait un grand succès dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne
(1.382.195), l’Italie (68.370) ou encore la Grèce (36.144), moins bien en France (23.231).
L’initiative
citoyenne reçoit à la date prévue 1.884.790 signatures soit nettement plus que
le minimum requis.
Mars
2014 : communication de la Commission Européenne en 2014
La CE, saisie de cette ICE
réussie le 20 décembre 2013, y a répondu
le 19 mars 2014 en renvoyant à une ancienne directive (98/83/CE) sur l’eau
potable sans vraiment faire des avancées dans le sens réclamé par les
signataires de cette ICE3.
Un
extrait de cette réponse (p11) témoigne de la façon dont la Commission
« botte en touche » une des exigences centrales de RIGHT2WATER:
La Commission continuera de garantir le plein respect des règles du traité
exigeant la neutralité de l'UE à l’égard de décisions nationales régissant le
régime de propriété des entreprises de distribution d’eau29 , tout
en veillant au respect des principes essentiels du traité, comme la
transparence et l’égalité de traitement. En ce qui concerne les préoccupations
exprimées par l’initiative citoyenne, à savoir que l’approvisionnement en eau
et la gestion des ressources hydriques ne devraient pas être soumis aux «règles
du marché intérieur» et que «les
services des eaux devraient être exclus de la libéralisation», la
Commission confirme que la nouvelle législation sur les marchés publics ne
s’appliquera pas aux services fournis par les autorités locales elles-mêmes,
par l’intermédiaire d’une entreprise commune ou d’une entreprise liée30.
Une
tout autre prise en considération par le Parlement Européen.
Après études en commissions le
Parlement Européen a voté le 8 septembre 2015
une résolution à l’adresse du Conseil et de la Commission Européenne qui
soutient de façon précise les objectifs
de l’Initiative Citoyenne
Right2Water 4 .
Les alinéas 45 à 47, extraits qui sont reproduits ci-dessous, sont éclairants et sont
autant de points d’appuis pour les
batailles à venir au niveau européen et au niveau local.
45. souligne que, conformément au principe de subsidiarité,
la Commission devrait rester neutre concernant les décisions des États membres
relatives au régime de propriété des services liés à l'eau et ne devrait pas
promouvoir la privatisation des services liés à l'eau, que ce soit par la
législation ou de toute autre manière;
46. rappelle que la faculté de remunicipaliser les services
liés à l'eau devrait rester garantie sans restriction à l'avenir et que ces
services peuvent être maintenus sous gestion locale si les autorités publiques
compétentes en font le choix;
rappelle que l'eau est un droit humain
fondamental qui doit être accessible et abordable pour tous; souligne que les
États membres ont le devoir de garantir l'accès de tous à l'eau, quel que soit
l'opérateur, tout en veillant à ce que les opérateurs fournissent une eau
potable sûre et un assainissement amélioré;
47. souligne que, du fait du caractère particulier des
services liés à l'eau et à l'assainissement, tels que la production, la
distribution et le traitement, il est impératif de les exclure de tout accord
commercial que l'UE négocie ou envisage;
demande instamment à la Commission de
reconnaître une exclusion juridiquement contraignante des services liés à
l'eau, à l'assainissement et à l'évacuation des eaux usées dans les négociations
en cours concernant le partenariat transatlantique de commerce et
d'investissement et l'accord sur le commerce des services;
souligne que tous
les accords commerciaux et d'investissement à venir devraient comprendre
des clauses concernant un accès réel à l'eau potable de la population du pays tiers
concerné par l'accord, conformément à l'engagement pris de longue date par
l'Union en faveur du développement durable et des droits de l'homme, et qu'un
accès réel à l'eau potable de la population du pays tiers concerné par l'accord
doit être une condition préalable de tout accord futur de libre-échange;
Pour Claude TURMES, eurodéputé luxembourgeois du
Groupe des Verts/ALE: « C’est une douche froide pour les eurodéputés de
centre-droit, en particulier à l’UMP ou chez les libéraux qui sont à la botte
de Veolia et Suez! Le Parlement européen a aujourd’hui relayé la voix des
Européens qui demandent de protéger et de garantir l’accès à l’eau et à
l’assainissement en tant que droits fondamentaux reconnus par les Nations
Unies.
Suite aux amendements votés en Commission ENVI, le
rapport demande d’inscrire dans la législation le droit fondamental à l’eau (tel
que défini par l’ONU) et de définitivement exclure les services dans ce secteur
des règles du marché intérieur ainsi que de toutes les négociations
commerciales en cours (TTIP, AECG et TISA). Un droit fondamental et un service
d’intérêt général qui, rappelons-le, ont été remis en question cet été en Grèce
avec l’intégration de ce service à la liste des domaines destinés à la
privatisation dans le cadre du programme de sauvetage ».
Et maintenant
Ce
vote du Parlement européen, salué par le mouvement
européen pour l’eau 5
n’est pas, loin de là, la fin d’une bataille citoyenne sur les objectifs
de l’ICE.
Les
lobbies de l’eau ont une présence très forte à Bruxelles, comme le démontre
Marc Laimé dans son livre très documenté « LE LOBBY DE L’EAU » 6. La mobilisation en cours contre les traités de « libre échange »
TAFTA et autres est un élément important dans cette bataille. En témoigne le
procès, gagné en 2015, par SUEZ contre le retour de l’eau en régie publique en
Argentine, procès dénoncé par exemple par Olivier Petitjean7 :
« Un
tribunal arbitral international vient de condamner l’Argentine à verser près de
400 millions d’euros à Suez environnement, pour avoir renationalisé le service
de l’eau de Buenos Aires en 2006, après des années de conflits. La firme
française a eu recours aux mêmes mécanismes de « résolution des disputes
entre États et investisseurs », ou ISDS, qui sont aujourd’hui au centre de
la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis. Une
décision qui illustre combien, dans leur fonctionnement actuel, les procédures
ISDS ne tiennent véritablement compte ni des droits humains ni de la
responsabilité des États vis-à-vis de leurs citoyens, en faisant primer la loi
d’airain de la protection des investissements. »
L’EAU BIEN COMMUN HORS
MARCHANDISATION reste donc l’enjeu d’une bataille citoyenne qui se mène à tous les niveaux. C’est le cas au niveau de l’Agglomération
Orléans-Val de Loire (l’AgglO) . Le
passage à une communauté urbaine, annoncé comme proche, s’accompagnerait d’un transfert de la
compétence EAU à cette structure.
L’assainissement est déjà en gestion
centralisée AgglO : c’est un des plus chers de France et les usagers n’ont
aucun droit au chapitre dans les organismes de gestion !
Défendre,
et étendre, la régie publique pour la
gestion de l’eau potable , de sa ressource au robinet, est une bataille que les
citoyen-nes du bassin orléanais doivent mener et gagner pour garantir l’avenir
de ce bien commun.
Références
2 : (Le Monde 15 Mars 2012)
4 : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0294+0+DOC+XML+V0//FR
6 : Marc Laimé , « LE LOBBY DE
L’EAU » , ed 2014, 404 p
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